Viticulture : derrière l’étiquette, toute une filière engagée.
Découvrez comment la filière vin s'engage sur les éléments constitutifs de la RSE avec les témoignages de 4 femmes inspirantes et engageantes.
Table ronde énergisante, le 29 novembre dernier à Bordeaux, autour des témoignages de 4 femmes inspirantes, engagées et engageantes, avec 4 femmes : Noémie Tanneau, propriétaire d’un domaine à Lussac-Saint-Emilion ; Véronique Hombroekx, Directrice générale d’un grand groupe viticole ; Stéphanie Barousse, Directrice générale d’un domaine à Fronsac et Marie-Catherine Dufour, Directrice du service technique, CIVB (Conseil Interprofessionnel du Vin de Bordeaux). Des constats qui trouvent évidemment un écho à la table ronde de Beaune qui, de son côté, mobilisait aussi des professionnels du vin, dont Jeanne Delaunay, Responsable RSE d’un domaine viticole en Bourgogne.
Le vin engagé ou comment agir sur l’ensemble des critères constitutifs de la RSE ?
La filière vin représente 35 000 emplois dans le département de la Gironde, dont elle est le premier employeur. C’est aussi un univers en pleine métamorphose avec, depuis plusieurs années, l’intégration des enjeux RSE au sein de pratiques millénaires. Dans ce sens, le témoignage de Noémie Tanneau s’est avéré particulièrement éclairant, la jeune femme se définissant avant toute chose comme « une enfant de la RSE ». Pour celle qui n’est pas issue d’une famille de vignerons, cette vocation fait suite à une reconversion. La vigneronne incarne aujourd’hui cette génération qui semble avoir trouvé le point de jonction entre idéaux et activité économique. Son domaine a d’ailleurs bénéficié d’une brusque montée de notoriété avec la visite du roi Charles III en septembre dernier. Au-delà des « paillettes », Noémie Tanneau reconnait avoir été sensible, par ce choix, à la reconnaissance de son « vin engagé ». Quel parcours pour celle qui a démarré, en 2020, avec sa première certification ! Puis, « c'était assez évident pour moi qu'il fallait passer très rapidement à la viticulture bio », avec une obsession, « remettre de la biodiversité dans le vignoble ». Comme tous les participants à ces tables rondes, elle souligne le caractère systémique de l’approche RSE, « c'est important d'aller jusqu'au bout de la chaîne » avec, à titre d’exemple, le choix « d’étiquettes en résidus de canne à sucre et de lin pour éviter la déforestation », mais aussi par la prise en compte du volet sociétal dans ses partis pris de recrutement, et notamment l’embauche de seniors.
Autre échelle, et pourtant mêmes constats, chez Véronique Hombroekx, Directrice générale d’un grand groupe viticole situé à Pauillac, pour qui « la RSE, c'est surtout une aventure humaine et c'est l'ensemble des collaborateurs, des parties prenantes, des gens avec qui nous travaillons, nos fournisseurs, qui doivent partager votre même ambition ». Elle le souligne avec conviction : « c'est un travail d'équipe », condition nécessaire pour adopter une démarche globale, porteuse de sens et de repères, « la RSE, c'est simplement redonner du sens à ce que nous faisons et avoir les talents qui partagent un seul et même objectif ».
Comme Noémie Tanneau, Véronique Hombroekx insiste sur l’importance d’agir au global de façon responsable, solidaire et vertueuse : « on a d'abord sensibilisé à la biodiversité. On a mis en place des ruches et des hôtels pour insectes, proposé des plans de transition...». Avec des résultats : « aujourd’hui, c'est à peu près déjà 30% des parcelles qui ont été converties en bio ». Là encore, la dimension sociale est clé, avec un nouvel élément, jusqu’ici peu abordé, l’enjeu de transmission : « le métier de vigneron doit pouvoir se transmettre. Mais si le vigneron ne peut pas vivre de sa vigne, demain, il ne pourra pas transmettre son métier. Donc, le juste prix, la juste rémunération pour le respect de l'engagement de nos vignerons, c'est un enjeu pour lequel on se bat au quotidien ».
Transmission d’un côté, mobilisation de l’autre, le facteur humain est une condition nécessaire de réussite. Ainsi du témoignage, à l’enthousiasme communicatif de Jeanne Delaunay à Beaune, ou comment associer les collaborateurs à un projet d’entreprise. Avec des actions concrètes, qui ont un impact rapide et visible sur leur quotidien : « très rapidement, une grande majorité de l'entreprise a vu son quotidien changer... On a mis en place le tri dans les bureaux, on est passé des machines à café à capsules aux machines à café à grains. Ce sont des choses très simples, puis on est passé à des actions avec un peu plus d'envergure. On a changé l'ensemble de notre parc automobile pour des voitures hybrides. On a changé les températures de conservation de nos vins de 1 ou 2 degrés, cela ne change pas la qualité des vins mais a un fort impact sur notre consommation d'énergie. Nous avons eu très rapidement des résultats et tout de suite, tout le monde s'est senti embarqué. Voilà notre belle réussite.»
Les labels, des marqueurs de notoriété
Quid des labels ? Ce sont des accélérateurs, mais non une fin en soi, selon les participants : « En fait, le label peut nous aider à nous structurer. Le label peut nous aider à aller un pas plus loin. Alors oui, nous sommes labellisés Bordeaux Cultivons Demain, mais on ne va pas l'afficher parce que ce n'était pas l'objectif. L'objectif, c'est d'utiliser cet outil que le label met à notre disposition pour aider l'ensemble de notre communauté et l'ensemble des parties prenantes » explique Véronique Hombroekx. Point de vue partagé par Stéphanie Barousse, Directrice générale d’un domaine à Fronsac : « on était en raisonné, on est passé en bio. Aujourd'hui, on a la conduite du vignoble en biodynamie sur les 70 hectares et on va demander la certification biodynamie au chai et au vignoble. Toutes ces certifications, ces normes, ces huit dernières années, cela demande beaucoup d'investissement de la part des salariés, beaucoup d'énergie aussi. Pour moi, c'était important parce que cela nous a donné un cadre... Cela nous a permis de prendre du recul, cela nous a ouvert sur tout ce qui pouvait se faire autour (des labels). Notamment, sur l'environnement. On est très axé sur la biodiversité. C'est essentiel pour nous de remettre le vivant dans le cœur du vignoble ».
Pas de RSE sans équilibre économique
Stéphanie Barousse aussi souligne aussi la nécessaire collégialité d’un modèle efficace et aborde avec transparence les enjeux du contre-point de la rentabilité, sans lequel la RSE n’est pas viable : « La RSE, c’est progresser dans le sociétal et l'environnemental, mais il faut qu'il y ait un équilibre économique. Aujourd'hui, nous avons un équilibre économique. À Bordeaux, ce qu'il faut savoir lorque vous entreprenez une démarche verte, c'est que les quatre, cinq premières années, vous perdez 50% de la récolte, parce que Bordeaux, c'est un climat tempéré océanique et il faut que la vigne s’acclimate. Une fois que nous avons passé ce cap, en 2023, nous avons fait une très bonne production ».
Marie-Catherine Dufour, Directrice du service technique, CIVB (Conseil Interprofessionnel du Vin de Bordeaux) renchérit de son côté : « il faut permettre aux entreprises de la filière des vins de Bordeaux d'anticiper, et donc d'être compétitives dans l'avenir, justement parce qu'elles auront anticipé ». Elle conclut sur l’impact de cette transformation sur toute la filière, et plus largement, sur le tissu local : « on a commencé par construire une stratégie de développement durable à l'échelle de la filière. Cela nous a permis d'identifier nos enjeux forts de richesse auprès de la population. Comment est-ce que le tissu économique, finalement, vit au travers de nos entreprises ? Comment favorise-t-on le tissu local pour qu'on vive mieux sur notre territoire ? »
Comment une activité emblématique revêt une valeur d’exemplarité pour toute une région...
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